OKR & Scrum — Partie 1/3 : Au delà des Buzzwords

Le framework OKR est à la mode. On le voit partout, on en entend dire tout (et parfois n’importe quoi), beaucoup d’entreprises l’implémentent à grand coups de buzz words. Pourtant il n’est pas vraiment neuf, ayant été introduit par Andy Grove chez Intel dans les années 80, puis par John Doerr chez Google dans les années 2000.

Ça ne vous rappellerait pas quelque chose? Un certain autre framework dit “agile”, très à la mode, avec plein de mots qui buzzent, mais qui est loin d’être nouveau ? Mais oui, Scrum, bien sûr ! Alors, au-delà du buzz, les deux frameworks sont-ils compatibles? Sont-ils complémentaires ? Comment les utiliser ensemble ?

Je vous propose de répondre à ces questions en une série de trois articles qui mêleront OKRs et Scrum :

  • La première partie sera un bref aperçu de ce que contiennent ces deux frameworks, à quoi ils servent et dans quel contexte les utiliser ;
  • la deuxième partie abordera les compatibilités et complémentarités entre ces deux frameworks (ici) ;
  • enfin la troisième partie vous donnera un aperçu de notre démarche chez Cleverconnect, où nous en sommes et nos principaux apprentissages (ici).

De nombreux livres existent sur les OKRs, je vous recommande particulièrement “Radical Focus” de Christina Wodtke, qui présente le sujet des OKRs sous la forme d’une fable, et qui, au delà de juste vous distraire, vous apportera une mise en situation très intéressante, mais aussi bien sûr, “Measure what matters” de John Doerr.

Première partie : OKRs, au delà des buzzwords

Pour cette première partie, je vous propose de voir (ou revoir) ensemble à quoi ressemble le framework OKR.

Les OKRs ont été créés par Andy Grove chez Intel dans le début des années 80, donc pas exactement hier… John Doerr, qui a travaillé chez Intel avec Andy Grove, introduit ensuite le principe des OKRs dans une petite startup dans laquelle il a investi : Google. Selon Larry Page, les OKRs ont ensuite été un élément déterminant pour la réussite et la croissance de Google.

Mais quelle est donc cette magie des OKRs ? Comme Scrum, ce sont des principes simples, faciles à comprendre, et pourtant extrêmement puissants s’ils sont bien mis en œuvre. Et c’est là que réside la difficulté : facile à comprendre, complexe à maîtriser.

Les promesses du framework OKRs

Pourquoi implémenter le framework OKRs ? Les promesses sont nombreuses et alléchantes, et pourtant à portée de main si on adopte la bonne approche :

  • Alignement : les OKRs permettent d’aligner les équipes dans une direction claire et sans ambiguïté tout en faisant le lien entre la stratégie définie par les dirigeants ou les leaders et la tactique mise en oeuvre par les équipes
  • Empowerment : chaque équipe va s’emparer des objectifs stratégiques, et faire fonctionner l’intelligence collective pour définir la route pour les atteindre,
  • Engagement : complémentaire de l’empowerment, l’engagement de chacun dans l’atteinte des objectifs est cruciale, et les OKRs vont permettre de se concentrer sur ce qui a vraiment de la valeur, de l’impact, et de donner du sens à ce qu’on fait,
  • Pilotage : le framework n’est pas une baguette magique qui va résoudre tous les problèmes, mais il va rapidement mettre en lumière les endroits où il y a des soucis de focus, de désalignement ou de perte de valeur.

Les composants des OKRs

Le framework différencie 3 principaux composants :

  • Les Objectifs représentent nos ambitions, ils sont formulés de manière qualitative, inspirante et ambitieuse.

Exemple: “Devenir un acteur majeur du SaaS en Europe” ou “Rendre nos utilisateurs heureux” ou “Être parmi les entreprises les plus écologiques de notre secteur d’activité”

  • Les Key Results représentent les moyens qui vont nous permettre de mesurer de manière univoque que notre objectif est atteint. Ils sont quantitatifs, mesurables, concrets, et reflètent les impacts que nous voulons observer sur nos utilisateurs ou notre business.

Exemple : “Obtenir une note de 4,5/5 sur les app stores” ou “Augmenter le taux de conversion de 5%” ou “Diminuer notre bilan carbone de 2 tonnes équivalent CO₂”.

  • Les Initiatives sont les actions qui vont être prises par les équipes pour essayer d’avoir de l’impact et de faire bouger les mesures des Key Results.

Ex : “Rendre notre application responsive” ou “Permettre de paiement via paypal” ou “Mettre en place le tri des déchets pour tous nos employés”

Niveau des OKRs
Composants des OKRs

Ces éléments sont organisés en 2 niveaux différents :

Le niveau stratégique :

  • défini par les décideurs et leaders de l’entreprise
  • représente les ambitions de l’entreprise sur l’année
  • influencé par le niveau tactique via une boucle de feedback

Le niveau tactique :

  • défini par chaque équipe en alignement avec le niveau stratégique
  • représente les contributions tactiques de l’équipe à la stratégie de l’entreprise sur les prochains 3–4 mois
Niveaux des OKRs
Niveaux des OKRs

Les différents composants (objectifs, key results, initiatives) et niveaux (stratégique, tactique) des OKRs ont chacun leur temporalité propre. On peut voir ci-dessous un exemple sur un cycle d’une année découpé en 4 trimestres :

Temporalité des OKRs
Temporalité des OKRs

Pilotage par l’impact

Les OKRs vont nous permettre, grâce aux composants détaillés ci-dessus, de piloter notre activité par l’impact et d’avoir à disposition des éléments clairs et non ambigus qui nous permettent de prendre des meilleures décisions pour maximiser cet impact.

L’impact s’entend comme l’effet mesurable que nos actions ont sur le comportement de nos utilisateurs ou sur notre business.

  • Impact sur les utilisateurs et clients : observation directe d’un changement dans leur comportement, mesurable par un indicateur qui caractérise ce comportement.

Par exemple, si l’impact concerne la satisfaction de l’utilisateur, on va pouvoir la mesurer directement en lui demandant (NPS, CSAT, etc)

Autre exemple, si l’impact voulu est de rendre notre produit plus facile d’utilisation, on va essayer d’aller mesurer ce qui caractérise cette facilité : le nombre de clics nécessaire pour réaliser une action, le pourcentage de réussite de la réalisation de cette action, le temps passé, le taux de rebond, etc.

  • Impact sur notre business : observation des résultats de nos actions sur le succès de notre business

Par exemple, on pourra aller mesurer des indicateurs de rentabilité, de résultats, de nombre de clients ou d’utilisateurs, de taux de rétention, taux de churn, etc

Voyons un contre-exemple concret de key result formulé comme une initiative et non pas comme un impact : “Rendre notre application responsive”.

Les questions qu’on devrait se poser si on part de là :

  • Quel serait l’impact sur nos utilisateurs ou notre business si notre application était responsive ?
  • Que veut-on améliorer en faisant ça ?
  • Qu’est-ce que ça apporte comme valeur ?

Formulé en termes d’impacts, ce KR pourrait devenir “Augmenter le score de satisfaction de nos utilisateurs de 6/10 à 8/10” ou “Augmenter la conversion de 10%” ou encore “Augmenter le taux d’utilisation sur mobile de 30%”. Si on formule ce KR de cette façon et non pas directement en termes d’initiative, on laissera beaucoup plus de place à l’équipe pour trouver les bonnes solutions pour atteindre cet impact, tester des choses, itérer, apprendre et être beaucoup plus innovants.

L’équipe, à partir de leur recherche utilisateur, va donc pouvoir faire l’hypothèse que pour atteindre ce KR, il faudrait rendre l’application responsive. Ils vont donc ensuite travailler de manière itérative pour rendre l’application responsive, vérifier si cela a bien un impact sur le KR et si cela résout le problème qu’ils ont observé, et tester autre chose rapidement si ce n’est pas le cas.

Le fait de vérifier le plus rapidement possible nos hypothèses en contrôlant de manière mesurable qu’on a eu un impact est donc clé dans l’approche OKRs, mais aussi dans l’approche agile.

Le principe des OKRs est donc de définir des objectifs et de les caractériser par des mesures d’impacts que nous voudrions observer. Les initiatives que nous allons inclure dans notre roadmap sont donc considérées comme des hypothèses qu’il va falloir aller vérifier le plus rapidement et clairement possible pour être sûr qu’elles ont de l’impact.

Ce que ne sont PAS les OKRs

A ce stade, il est important de lever un certain nombre de préjugés et de doutes sur ce que sont ou ne sont pas les OKRs.

Les OKRs ne sont pas :

  • des objectifs irréalistes ou ambigus : ils devraient être ambitieux mais réalisables, et surtout ne laisser aucune place à l’ambiguïté sur leur atteinte ou non
  • des to-do lists : les OKRs font le lien entre la stratégie et la tactique, et permettent aux équipes d’être responsables des actions qu’elles vont mener pour réussir. Si les OKRs ne sont qu’une concaténation des actions à prendre définies en top-down par le management, autant rester sur du management par objectif classique.
  • un outil uniquement pour les managers : l’équipe ne devrait pas définir ses OKRs en début de cycle, puis les oublier et y repenser en fin de cycle parce qu’un manager leur réclame un reporting. Ils devraient être un outil de décision intégré à tous les niveaux de l’entreprise.
  • une baguette magique : je l’ai déjà expliqué plus haut, je le répète, les OKRs ne vont pas par eux-même résoudre tous vos problèmes d’alignement, de focus et d’efficacité. Ils vont simplement vous dire où et comment utiliser vos efforts pour maximiser votre impact.

Quelques clés importantes à retenir

Pour finir cette première partie sur la description du framework OKRs, je vous propose quelques clés importantes à retenir pour faciliter votre réussite :

  1. Mesurer. Tant que vous ne les avez pas mesurés, vos résultats et impacts restent des croyances. Quand vous commencez à mesurer quelque chose, vous pouvez commencer à l’améliorer.
  2. Diversifier les directions de vos mesures. Il est facile de se tromper de direction et de faire des choses contre-productives si notre mesure ne montre qu’un aspect du problème. Évitez les optimums locaux et pensez global en mesurant des axes différents.
  3. Travailler l’empowerment. Chaque équipe doit être au maximum autonome pour définir ses OKRs, en alignement avec la stratégie grâce à des boucles de feedbacks organisées, c’est à cette condition qu’elles seront engagées et donneront le maximum pour aller au-delà de leurs limites actuelles.
  4. Rester concentré. Limitez le nombre d’OKRs que vous choisissez à chaque niveau. 3 objectifs avec chacun 3 key results, ce sont déjà 9 choses différentes à mesurer et à faire progresser! Concentrez-vous sur ce qui est vraiment important!
  5. Itérer. Lancer une initiative, c’est faire l’hypothèse qu’elle va avoir de l’impact. Tout le principe des OKRs repose sur le fait que vous allez devoir tester des choses pour maximiser votre impact. Si votre initiative dure tout le cycle et qu’à la fin seulement vous vous rendez compte que l’impact était nul, vous avez raté votre coup… On verra comment bien utiliser les OKRs avec Scrum pour itérer dans notre prochain article !

Dans le prochain article de cette série, nous nous pencherons un peu plus en détails sur la mise en œuvre concrète du framework OKRs dans un contexte Scrum.

A bientôt !

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